CONTEXTE. Les outils d’intelligence artificielle (IA) offrent de plus en plus d’opportunités d’apprendre et de pratiquer les langues étrangères de manière autonome. Le fait de pouvoir interagir librement, sur n’importe quel thème, est souvent présenté comme un levier majeur de motivation et un atout d’une IA conversationnelle (p. ex. ChatGPT, Alexa…). Mais quelle interactivité importe le plus pour la perception et l’efficacité de ses systèmes pour l’apprentissage du FLE ?
MÉTHODOLOGIE. Nous avons mené une étude expérimentale auprès de 215 adolescents néerlandophones apprenant le français, qui ont interagi avec deux versions d’un jeu sérieux conçu autour de conversations guidées avec des personnages parlants basés sur l’IA : LanguageHero (Linguineo). Les deux versions différaient en termes d’interactivité, l’une étant entièrement libre, tandis que l’autre reproduisait une tâche de complétion de dialogue. Nous avons mesuré les perceptions des apprenants, leur engagement et les effets d’apprentissage en termes de vocabulaire et de développement de la fluidité orale.
RÉSULTATS. Contrairement à nos attentes, le système de dialogue libre n’a pas été perçu comme significativement différent par rapport à la tâche de complétion du dialogue. Cependant, il y avait des différences significatives dans la perception d’une version pilote du système dépourvue de mécanismes d’étayage productif et de feedback correctif. Parallèlement, l’interactivité du système de dialogue a augmenté l’engagement comportemental et la production par le biais d’essais et d’erreurs encouragés par le feedback correctif du système. L’apprentissage du vocabulaire montre néanmoins des effets relativement similaires entre les deux conditions.
DISCUSSION. Au-delà de certaines limites propres à la conception de l’étude, nous émettons l’hypothèse que l’interactivité comprise comme la possibilité d’influencer librement le dialogue, comme elle est souvent conçue dans le contexte des jeux vidéos, n’est pas aussi importante du point de vue motivationnel qu’on pourrait le supposer. Par contre, l’interactivité telle que conçue dans les théories cognitives sur l’apprentissage des langues, conçue comme espace de négociation sur la forme et le sens fait d’étayage et de feedback correctif, semble essentielle pour la motivation d’une activité d’apprentissage perçue comme telle, pour l’engagement des apprenants dans l’activité et, in fine, pour les développements langagiers qui en découlent.